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Misfits
installation, collages
2014
Elaine Levy Projects, Brussels (BE)
with the support Elaine Levy Projects
L’exposition à la galerie Elaine Levy s’intitule ‘Misfits’. Y a t-il une relation avec le film de John Huston avec Marilyn Monroe ou avec la série télévisée britannique ?
Non. ‘Misfits’ se rapporte à des gens qui sont un peu en dehors du système et que l’on peut apercevoir maintenant, surtout avec la crise. C’est en relation avec l’incertitude quant à l’avenir. Chacun de nous peut se sentir inadapté dans un monde qui nous dicte ce qu’on doit penser, comment on doit se comporter, comment travailler, etc.
Ces gens inadaptés, en dehors du système, veulent parfois que leur voix soit entendue. Dans les manifestations, des mots se trouvent sur des banderoles, ce sont des cris pour attirer l’attention ou demander de l’aide, mais ils ne sont pas entendus par ceux qui se trouvent au sommet. Dans les supermarchés, il y a des annonces où les gens se proposent pour des petits travaux, nettoyage, massages, etc. Ce sont aussi des cris pour attirer l’attention. Je veux faire quelque chose avec ces appels des gens, des textes. L’installation que je propose dans la galerie utilise ces annonces de la même manière que les petits messages comme « J’ai perdu mon chat » sont collés sur des colonnes ou des panneaux dans la rue. Avec mon travail, je voudrais dire aux gens de ne pas suivre le chemin que l’on a tracé pour eux.
Habituellement, vous ne travaillez pas avec du collage...
En effet, ‘Misfits’ a aussi un autre sens, il renvoie aussi à un travail que je n’ai jamais essayé. Jusqu’à présent, j’ai travaillé avec l’installation, l’intervention et l’art vidéo et j’ai toujours évité le collage et la peinture. L’exposition sera composée de peintures et de collages, ce que je n’ai jamais montré auparavant dans ma pratique artistique.
Quelle relation établissez-vous entre ces collages et votre pratique d’installation et d’intervention dans l’espace public ?
La technique que j’utilise ici provient de mes travaux antérieurs. Avant de faire des expositions, j’utilisais la rue comme médium, je collais des stickers et des affiches partout. A cette époque, j’utilisais beaucoup la sérigraphie et la photocopie, toujours en noir et blanc et je reviens à ça aujourd’hui dans la galerie. Les papiers sont froissés, les lettres mal imprimées c’est la ruine du papier, la ruine des bâtiments, la ruine dans tous les matériaux que je choisis.
Pouvez-vous me parler de ce qu’on va trouver dans l’exposition ?
Les textes des annonces que j’utilise peuvent être des appels au secours, mais ils peuvent aussi être informatifs de catastrophes à venir : la fin du monde, la crise économique et peut-être aussi quelque chose comme Fukushima. J’établis une relation avec le film ‘12 Monkeys’ une adaptation du film de Chris Marker, ‘La Jetée’. Dans ce film, il y a des affiches qui disent « voilà ce que nous avons fait », « nous avons changé le monde », « suivez-nous dans notre mouvement » placées par des organisations qui essayent d’aider les gens. Ces affiches indiquent ce qu’il faut faire ou invitent les gens à rejoindre les forces d’opposition à un système qui n’est pas bon pour l’humanité.
Pensez-vous que le futur amènera nécessairement une catastrophe ?
Au départ, je ne savais pas encore que ce que je faisais avait à voir avec la catastrophe, avec la peur. J’avais seulement l’idée de me cacher et d’aller quelque part. J’allais dans le métro, je faisais des découpes, j’étais dans le graffiti. Quand j’ai arrêté le graffiti, j’aimais toujours ces promenades : ouvrir les systèmes du métro, descendre les escaliers, etc. Je pensais qu’il s’agissait seulement de découvrir des espaces et par la suite je me suis rendu compte qu’il y avait aussi autre chose : être seul, loin des choses. Montrer aux gens le futur en servant du passé en dévoilant des vieux bâtiments pour les alerter vis-à-vis de l’avenir. L’aspect est le même : la décrépitude d’un bâtiment peut donner un aperçu de ce qui va arriver dans l’avenir.
Comment vous figurez-vous le futur ?
Presque tout le monde est mort, les survivants se cachent dans des souterrains. Tout va de mal en pis, les gens quittent certaines zones à cause de la crise. Ce n’est pas forcément la fin du monde, ça peut être se passer au niveau économique ou écologique ou politique ou une guerre... Dans tous les cas, les bâtiments ont le même aspect, qu’ils tombent en décrépitude parce qu’ils sont abandonnés ou qu’ils aient été détruits par une guerre, une crise écologique ou économique. A Detroit ou à Charleroi, les bâtiments industriels sont abandonnés. C’est toujours par les bâtiments qu’on peut voir que quelque chose ne va pas.
Colette Dubois, Kunsthart #121 pg. 7
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